Les écrivaines publiques, actrices de l’accès aux droits pour tous

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Selon le chiffre de 60 millions de consommateurs publié par l’Odenore*, une personne sur cinq serait exclue des aides sociales de base. La Ville de Grenoble et le CCAS mettent l’accent sur l’accès aux droits et la lutte contre le non recours, deux axes cruciaux de justice sociale et de préservation de la cohésion sociale. Les écrivaines publiques, réparties à proximité des habitants au cœur des quartiers dans les maisons des habitants, constituent un maillon essentiel des dispositifs. Découverte d’un métier dont tout le monde peut avoir besoin.

Marie-Laure Anselme, Sylvie Aucejo, Stéphanie Audureau, Samia Boudjbiha, Fouzia Boulacel, Agathie Lecordier, Ingrid Mansier, Maïna Weiss, Ulrike Worn, les écrivaines publiques, centrées sur 10 Maisons des Habitants grenobloises, accompagnent les habitants dans leurs démarches administratives.

Lors de leurs permanences libres ou sur rendez-vous, elles mettent leur plume au service de personnes en difficulté avec l’écrit ou la compréhension des documents administratifs. En pratique, elles remplissent des formulaires, confectionnent les dossiers de demandes de prestations sociales ou de retraite, rédigent des courriers de recours, résolvent les tracas de la vie quotidienne et informent sur les droits de chacun.

« Bien loin de la rédaction de récits de vie ou de déclarations d’amour, reconnues dans la mythologie du métier, elles affichent une vocation sociale » s’empresse de préciser Yolande Pardo, chargée de projet accueil à la direction de l’Action territoriale. « Mais nous ne pratiquons pas l’accompagnement social, une mission qui relève des assistantes sociales » avertit Samia.

« Tout le monde ne maîtrise pas l’outil informatique ou ne possède pas d’ordinateur à domicile »

« Les écrivaines publiques constituent l’un des maillons forts de l’accès aux droits, de la lutte contre le non recours et l’isolement » note Alain Denoyelle, adjoint à la Santé et vice-président du CCAS. « Notre exigence de base : tout demandeur repart avec son dossier complété, son problème résolu ou redirigé vers un professionnel compétent » souligne Samia Boudjbiha, écrivaine à la Maison des Habitants Abbaye.

Tout le monde peut faire appel aux écrivains publics

Les écrivaines reçoivent tout le monde. « Détrompez-vous ! Nous n’accompagnons pas que les personnes analphabètes, illettrées, d’origine étrangère ou en situation de précarité. Chacun, à tout moment, peut nécessiter un conseil ou une aide pour comprendre ou dédramatiser un courrier de mise en demeure ou constituer un dossier de retraite » prévient Fouzia Boulacel, écrivaine à la Maison des Habitants les Baladins.

Les permanences constituent aussi un temps privilégié pour évaluer la situation de la personne et repérer des droits non couverts. « Derrière une demande se cache parfois d’autre besoins sous-jacents. De questions en questions, nous déroulons une pelote de nœuds. Par exemple, un endettement peut avoir pour origine un problème de remboursement de soins et l’absence d’une couverture maladie universelle complémentaire. Mais ce n’est pas aussi simple et il faut parfois, dans le respect de la personne, par une écoute attentionnée, se transformer en détective » explique Agathie Lecordier , écrivaine à la Maison des Habitants Capuche.

« Avec la mise en ligne de nombreux actes administratifs beaucoup d’usagers se retrouvent incapables d’effectuer leurs démarches »

« Il y a une quinzaine d’année, nous recevions surtout des personnes d’origine étrangère qui maîtrisaient mal le français ou ignoraient leurs droits. Aujourd’hui, la complexification de la jungle administrative et la dématérialisation des actes administratifs n’ont rien simplifié. Les demandes se sont multipliées. Tout le monde ne maîtrise pas l’outil informatique ou ne possède pas d’ordinateur à domicile Nous développons, et cela fait partie de nos missions, des actions collectives qui visent à favoriser l’autonomie des demandeurs » note Samia Boudjbiha.

Du compte Internet à l’avis d’impôt

En premier, constatant que les usagers sont parfois incapables de produire les bons documents pour étayer un dossier ou qu’ils les ont parfois égarés, les écrivaines publiques leur apprennent à mettre de l’ordre, à trier leurs papiers personnels tout en leur rappelant les délais légaux de conservation des fiches de salaire, avis d’impôts, factures d’eau et d’électricité, factures d’achats…

Avec la mise en ligne de nombreux actes administratifs (payement de factures, déclarations d’impôts, prises de rendez-vous, demandes de justificatifs, inscriptions à Pôle Emploi ou à la CAF, CPAM, CMU-C, règlement des contraventions…) beaucoup d’usagers se retrouvent incapables d’effectuer leurs démarches.

« Les écrivaines publique grenobloises, passionnées, ont choisi le métier par amour de l’écriture, le sens du service public mais surtout pour sa portée humaine »

Les Maisons des Habitants organisent des permanences internet et démarches en ligne où les habitants peuvent mettre à jour, remplir leurs dossiers, ouvrir un compte internet ou se faire aider et conseiller par l’écrivaine publique.

Des cours de français

« C’est un pilier majeur de notre mission, de la lutte contre les inégalités et de l’accès aux droits » annonce Agathie Lecordier. Les écrivaines publiques coordonnent au cœur de leur maison des habitants les ateliers d’apprentissage du français. Lors de leurs permanences, elles évaluent les besoins de la personne et la dirigent vers un dispositif existant en fonction de leur statut administratif ou l’intègrent à l’atelier sociolinguistique de la MdH.

Les écrivaines, ensuite, évaluent le niveau de l’apprenant et dressent le bilan de l’action. En 2015, la Maison des Habitants Abbaye a dispensé 120 formations pour un total de 600 heures de cours proposés par des bénévoles.

Par amour de l’écriture et de l’humain

Elles le reconnaissent, le métier n’est pas toujours de tout repos. Mais, si elles sont issues de formations variées, les écrivaines publique grenobloises, passionnées, ont choisi le métier par amour de l’écriture, le sens du service public mais surtout pour sa portée humaine. Les difficultés s’apaisent lors des réunions de coordination d’équipe entre collègues, très soudées et solidaires.

Dès qu’on aborde les écrivaines, leur sourire, leur accompagnement jusqu’au bureau, leur patience témoignent d’une aptitude à l’écoute et à l’empathie, au respect sans jugement des autres, en totale confidentialité.

* l’Observatoire des non-recours aux droits et services

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